(BFM Bourse) - Depuis quelques semaines, le dollar américain se renforce face aux devises majeures de la planète. Le billet vert joue à plein son statut de valeur refuge en cette période de fortes tensions géopolitiques et a vu son attrait renforcé par le récent durcissement monétaire de la banque centrale américaine.
Le dollar a pris l'avantage sur toutes les grandes devises, soutenu par le durcissement monétaire de la banque centrale américaine (Fed) annoncé mercredi soir. L'euro et les autres grandes devises européennes n'en finissent pas de sombrer face à un billet vert à des plus hauts pluriannuels, dopé par son statut de valeur refuge et par le tour de vis de la politique monétaire américaine.
La guerre en Ukraine pousse aussi les investisseurs à délaisser les actifs européens, et l'euro perd 7% depuis le début de l'année, au plus bas depuis cinq ans et approchant la parité avec le dollar. La livre a chuté de 8% pour retomber à son niveau du plus fort de la pandémie, et le franc suisse de 7,5%. A 130 yens pour un dollar, la monnaie japonaise est à son plus bas en 20 ans face au dollar; la Banque du Japon gardant le cap d'une politique monétaire ultra-accommodante.
Le billet vert, valeur refuge
L'invasion russe de l'Ukraine a provoqué un choc sur les marchés en février. Le dollar a profité de son statut de valeur refuge, recherché des investisseurs en période d'instabilité économique, tandis que les devises européennes ont souffert de leur proximité avec le conflit. Plusieurs pays de la zone euro sont dépendants des importations d'énergie russe, et leurs économies seraient affectées par un embargo sur le pétrole de Moscou, que l'UE envisage.
Mais la remontée du Covid-19 en Chine et les confinements qui en ont découlé pèsent aussi sur les devises européennes. "L'activité économique semble ralentir dans toutes les grandes économies, comme les échanges commerciaux", souligne Jonas Goltermann, économiste chez Capital Economics dans une note. Il rappelle que l'euro est dépendant de "la croissance mondiale et de conditions financières souples".
Une parité avec le dollar ?
L'économie américaine étant moins affectée par les chocs économiques de la guerre en Ukraine et du Covid en Chine, la Fed peut se permettre de resserrer plus vite sa politique monétaire pour contrer l'inflation. Cela rend le dollar plus attractif, alors que la Banque centrale européenne (BCE) est divisée sur un relèvement de ses taux. Capital Economics n'exclut pas que l'euro arrive à la parité avec le dollar.
Une mauvaise nouvelle alors que l'inflation est déjà bien installée, puisqu'une baisse de la monnaie rend automatiquement plus coûteuses les importations venues de pays utilisant d'autres devises. La vigueur du billet vert n'affecte pas uniquement les échanges avec les États-Unis : de nombreux contrats commerciaux internationaux se basent sur des prix fixés en monnaie américaine, notamment pour l'approvisionnement en énergie déjà si coûteux.
Cet effet inflationniste est cependant "secondaire", nuance Gaétan Péroux, économiste chez UBS. Les principales causes de l'inflation restent un manque de matières premières, notamment le pétrole et le gaz russe dont l'Europe tente de se sevrer, et les perturbations de la chaîne d'approvisionnement et pénuries de travailleurs depuis la reprise post-covid.
M. Péroux souligne par ailleurs un "effet positif sur l'activité économique : tout ce qui est produit en zone euro est moins cher sur le marché mondial, ce qui soutient donc la croissance dans la zone euro, à un moment où l'activité est impactée par les sanctions contre la Russie", explique-t-il. "Il est probable que la BCE tolèrera un euro un peu plus faible qu'avant la guerre en Ukraine pour amortir le choc de l'effondrement des échanges avec la Russie pour les exportateurs", estime Capital Economics.
La livre en difficulté malgré un resserrement de politique monétaire
Cependant, un resserrement de politique monétaire n'est pas une panacée : la Banque d'Angleterre a remonté les siens pour la quatrième fois consécutive jeudi, et la livre est pourtant en difficulté. Le PIB britannique devrait se contracter au quatrième trimestre, a averti jeudi l'institut monétaire, qui anticipe aussi un recul de l'activité au Royaume-Uni de 0,25% pour l'ensemble de 2023 et une inflation au-dessus de 10% au quatrième trimestre.
Pour Christopher Vecchion "la Banque d'Angleterre est vraiment sortie de sa trajectoire de remontée des taux et a adopté un ton relativement plus prudent" quant à son resserrement monétaire. Face au billet vert, la livre britannique inscrit actuellement pour sa part un plus bas depuis juin 2020 à 1,23 dollar.
L'euro, quant à lui, n'est pas aidé par la Banque centrale européenne (BCE), qui hésite toujours à remonter ses taux alors que le conflit se poursuit à ses frontières, en Ukraine. L'économie européenne "stagne de facto", après une timide croissance de 0,2% au premier trimestre, a affirmé jeudi Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, dans une interview au quotidien La Stampa. Cela "complique les choix" des gardiens de l'euro, car "un resserrement monétaire visant à contenir l'inflation finirait par freiner une croissance déjà affaiblie", prévient M. Panetta, rangé parmi les "colombes" adeptes d'une politique monétaire soutenant l'économie. Philip Lane, chef économiste de la BCE, juge pour sa part que "le calendrier pour achever ce processus de normalisation (monétaire) est intrinsèquement incertain".
Pour que l'euro évite la parité avec le dollar, il faut que "l'Allemagne trouve des sources d'énergie, qu'on évite une récession et que le marché continue de croire que la BCE va durcir sa politique cette année", conclut Jane Foley, analyste chez Rabobank.
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